ABOLITION - 30 ANS

30 ans que la peine de mort a été abolie en France !

Dans la presse, je suis tombée sur la réédition d'un article que Michel Foucault avait écrit le 18 septembre 1981. Il disait en substance que si l'abolition était en soi un évènement important, .... renoncer à la peine de mort, en posant le principe que nulle puissance publique (pas plus d'ailleurs qu'aucun individu) n'est en droit d'ôter la vie de quelqu'un, voilà qu'on touche à un débat important et difficile. Se profile aussitôt la question de la guerre, de l'armée, du service obligatoire, etc.
Veut-on que le débat sur la peine de mort soit autre chose qu'une discussion sur les meilleures techniques punitives ? Veut-on qu'il soit l'occasion et le début d'une nouvelle réflexion politique ? Il faut qu'il reprenne à sa racine le problème du droit de tuer, tel que l'Etat l'exerce sous des formes diverses.

Autrement dit, pour Foucault, l'interdiction de la peine de mort posait immanquablement la question de la légitimité de l'Etat à toute forme de destruction de la vie d'autrui, y compris par la guerre.

Avec 30 ans de recul, je me suis demandée ce qu'était devenue la question de Foucault.

L'opinion publique a-t-elle évolué dans le sens d'une remise en cause de la légitimité de l'Etat a utiliser la force armée ? Le pacifisme a-t-il notablement gagné du terrain ? Pas vraiment, me semble-t-il, ou alors de façon anecdotique. Le seul conflit, si j'ai bonne mémoire à avoir suscité un tollé fut la guerre d'Irak en 2003.....auquel la France s'est, heureusement, bien gardée de participer. Mais sinon ? Guerre du Golf en 1991 ? Le Kosovo en 1999 ? L'Afghanistan depuis 2001 et enfin la Lybie cette année ? L'opinion publique ne bronche pas, ou si peu que cela ne représente pas une pression pour les gouvernements.

Par contre, une étrange illusion s'est répandue, véhiculée par les gouvernements et peu questionnée par les media. Dorénavant lorsqu'on fait la guerre, il s'agit d'une guerre "propre", voire même "humanitaire", les bombardements sont des "frappes chirurgicales", du beau boulot de pro, rien à redire. Les motivations qui justifient la mobilisation militaire sont pures puisqu'il s'agit, en toute bonne foi, de défendre les droits de l'homme, de protéger les civils et/ou de chasser le dictateur. Noble motif, noble guerre. Propagande vieille comme le monde, vieille comme la guerre.  La pilule passe sans difficulté auprès de la population pour autant que la guerre soit fortement technologisée, aussi courte que possible et qu'il y ait peu, voire pas de cercueils ramenés à la maison, dans nos maisons. Ainsi, de nos jours, aucune troupe n'est envoyée au sol, seule la force aérienne soutient le combat des "alliés" autochtones. La guerre de Lybie est l'exemple ultime de cette vision technologique de l'engagement militaire, comme le furent la guerre du Kosovo en 1999 et celle du Golfe en 1991. Notable exception, la guerre d'Afghanistan qui oblige à un engagement au sol. Cependant, en dix ans de guerre la France n'y a perdu "que" 75 soldats, cela dit sans le moindre cynisme, dans un conflit qui totalise plusieurs dizaines de milliers de morts dont une majorité de civils afghans. D'ailleurs, le calendrier du retrait est fixé. Comment oublier la désastreuse expérience de la FORPRONU en Bosnie, fatale impuissance d'une "force armée de paix à but humanitaire" occupée avant tout à assurer... sa propre sécurité dans un pays en pleine guerre, en plein carnage.

Bien entendu, le louable souci de préserver la vie de nos soldats ne s'étend pas à l'ennemi. C'est toujours par milliers, dizaines ou centaines de milliers que l'on meurt sur le terrain des guerres modernes et dans le lot une majorité de civils, alors même que la population civile devrait être largement préservée des violences de la guerre, ainsi que le commande le droit international humanitaire.

J'ignore si l'abolition de la peine de mort a un lien avec l'état d'esprit européen qui s'accommode sans sourciller d'une stratégie de deux-poids-deux-mesures, de dissymétrie fondamentale dans la répartition des malheurs de la guerre. Si c'était le cas, comment ne pas y voir une troublante perversion?

Dans son article, Foucault dessine une hypothétique ligne de causalité entre l'abolition de la peine de mort et la fin du service militaire obligatoire. Sur ce point l'histoire semble lui avoir donné  raison, puisqu'à l'orée du XXIème siècle, l'armée française était devenue exclusivement une armée de métier.

Par contre, au sein de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile, en France et plus largement dans les pays occidentaux, je crois que l'idée de l'interdit catégorique de tuer a fait du chemin de façon très intéressante. Les groupes qui justifiaient la violence révolutionnaire, y compris par le meurtre, dans les années 70, ont disparu. Qu'il s'agisse des mouvements altermondialistes, écologistes ou même gauchistes, la réflexion sur les modus operandi pacifiques a beaucoup progressé. Même les redoutés Black Block ( y en a-t-il en France ? ) utilisent la violence contre les biens et s'affrontent physiquement aux forces de l'ordre mais ils ne pratiquent pas l'attentat ou le meurtre. Restent certains groupes d'obédience nazi, indécrottables nostalgiques de la purification par l'élimination physique, qui n'hésitent pas à s'attaquer aux immigrés.

Si l'on considère que les inégalités sociales n'ont fait que se creuser depuis vingt ans, que les atteintes à l'environnement et le gaspillage des ressources se sont dangereusement amplifiés et que les gouvernements successifs, de gauche ou de droite n'ont pas pu/su empêcher ces dérives, il est plutôt remarquable de constater que les groupes d'activistes militants n'ont pas choisi la voie violente, mais au contraire peaufinent des méthodes pacifiques pour faire avancer leur cause. Greenpeace en est un bel exemple . Les nouveaux mouvements des "indignés" et de " Occupy Wall Street" explorent de nouvelles voies d'action politique ancrées dans une éthique non-violente. Il semble donc que, à ce niveau-là, l'abolition de la peine de mort reste un événement-phare qui accompagne toujours ceux qui veulent améliorer le monde sans verser le sang. Pourvu que ça dure.

 

Poour lire l'article de Foucault :

www.wehavephotoshop.com/.../Foucault/michel%20foucault%20-..

 

(novembre 2011)

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